Donald Trump apparaît-il dans les « Epstein files » ? C’est l’une des principales questions autour du rétropédalage de l’administration américaine, qui avait promis de rendre publics tous les documents d’enquête en sa possession sur le pédocriminel et son réseau, avant de faire machine arrière, assurant qu’il n’y avait rien à voir.
À ce stade, on ignore si le nom de Donald Trump est cité dans ce dossier tentaculaire, ce que le président américain a nié. Mais selon le New York Times, ce n’est pas exclu : une des premières victimes connues d’Epstein, qui avait sonné l’alarme dès 1996 auprès de la police new-yorkaise puis du FBI, avait demandé aux autorités d’enquêter sur ses amis riches et puissants, notamment Donald Trump. En cause, une rencontre avec le magnat de l’immobilier, l’année précédente, chez Epstein, dont elle était ressortie profondément troublée.
« Elle n’est pas là pour toi »
En 1995, Maria Farmer est une artiste d’une vingtaine d’années fraîchement diplômée de la New York Academy of Art, une école prestigieuse qui attire les mécènes fortunés. Jeffrey Epstein est l’un d’entre eux. Il achète un de ses tableaux et l’embauche comme assistante. Un soir, raconte-t-elle au New York Times, son patron l’appelle, tard, et lui demande de venir dans l’un de ses bureaux, à Manhattan.
À LIRE AUSSI Affaire Epstein : les zones d’ombre qui attisent le feu complotiste et menacent Trump La jeune fille vient en short de running. Jeffrey Epstein n’est pas encore là. Mais, assure-t-elle, un autre homme en costume cravate arrive : Donald Trump. Selon son récit, il la dévisage de la tête aux pieds, et s’attarde longuement sur ses jambes. Elle se sent mal à l’aise, au point d’avoir peur. Epstein entre et aurait dit à Trump : « Elle n’est pas là pour toi. » Les deux hommes s’éclipsent, et Farmer dit avoir entendu Donald Trump dire à Epstein qu’il pensait qu’elle avait 16 ans.
Sa sœur et sa mère ont corroboré son récit et confirmé qu’elle leur avait parlé de cet incident à l’époque. La Maison-Blanche nie en bloc et assure que le président américain « n’est jamais allé » dans le bureau d’Epstein et qu’il l’a « viré de son club » de Mar-a-Lago, au début des années 2000, car « c’était un creep » (« un pervers »). Mais avant leur brouille de 2004 – qui serait due à une rivalité pour acquérir une propriété de Palm Beach et à un incident entre Epstein et la fille d’un membre du country club de Trump –, les deux hommes étaient très complices.
Sur ces images de NBC filmées à Mar-a-Lago en 1992, on les voit rire aux éclats alors que Trump pointe une femme du doigt. La même année, Epstein fait venir 28 bikini models pour une soirée privée pour deux invités : lui et Donald Trump. « Je connais Jeff depuis quinze ans. C’est un type formidable. On dit même qu’il aime les belles femmes autant que moi, et beaucoup d’entre elles sont plutôt jeunes », confiait Trump à New York Magazine en 2002. L’ex-mannequin Stacey Williams affirme encore au Guardian que Donald Trump, que lui avait présenté Epstein, lui aurait touché les seins et les fesses sans son consentement en 1993, ce que Trump dément.
Défilé de très jeunes filles
Maria Farmer, elle, sera agressée sexuellement par Jeffrey Epstein et sa compagne-rabatteuse Ghislaine Maxwell dans le manoir du milliardaire Lex Wexner à l’été 1995 – à l’époque, l’ancien propriétaire de Victoria’s Secret confie les clés de sa fortune à Epstein, un point jamais véritablement expliqué et qui continue d’alimenter les spéculations trente ans plus tard. La jeune femme est retenue contre son gré pendant 12 heures et finit par réussir à s’échapper.
À LIRE AUSSI « Epstein n’a pas fait tout ça tout seul » : le scandale qui rattrape Trump Après avoir appris que sa petite sœur Annie, âgée de 16 ans, avait, elle aussi, été victime d’attouchements de la part d’Epstein dans son ranch du Nouveau-Mexique, Maria Farmer se rend au NYPD puis au FBI pour faire un signalement en 1996. Elle raconte aux autorités qu’elle a vu, en tant qu’assistante d’Epstein, de nombreuses jeunes filles ayant l’air mineures dans son hôtel particulier de Manhattan, mais aussi des personnalités influentes aller et venir, comme Donald Trump ou le célèbre avocat Alan Dershowitz.
Elle assure aujourd’hui au New York Times qu’elle n’a pas été témoin d’agissements criminels d’associés d’Epstein, mais soutient que la présence de très jeunes filles chez le millionnaire, qui cultivait dans le même temps des relations avec Donald Trump ou Bill Clinton, l’avait alertée. Le FBI n’y donnera pas suite.
Ce n’est que dix ans plus tard que l’affaire rebondit, quand la mère d’une adolescente de 14 ans contacte la police de Palm Beach pour signaler que sa fille avait été payée 300 dollars pour faire un massage, en sous-vêtements, à Jeffrey Epstein. Le FBI revisite alors son dossier et entend à nouveau Maria Farmer en 2006. Elle renouvelle ses préoccupations concernant les fréquentations d’Epstein, notamment Donald Trump. De nombreuses pièces du dossier restent à ce jour classifiées.