Après de longues négociations, Paul Pogba va s’engager avec l’AS Monaco. Le champion du monde 2018 a trouvé un accord avec le club de la Principauté pour un contrat de deux ans. Dans le monde du football, c’est un petit séisme.
Sa dernière apparition en professionnel remonte à une éternité : le 3 septembre 2023, une petite demi-heure de jeu sous le maillot de la Juventus face à Empoli. Quelques jours plus tard, un contrôle antidopage positif le rattrape. Il est suspendu quatre ans dans un premier temps, puis la sanction sera finalement réduite à dix-huit mois.
Libre depuis mars 2025, Pogba aurait pu tourner la page. Céder aux sirènes de l’Arabie saoudite ou de la MLS aux États-Unis, encaisser un dernier gros chèque, puis s’éclipser doucement, comme tant d’autres. Mais non. Pogba a choisi Monaco, un club mythique du championnat de France, dans un championnat encore dense. Un choix de sportif, à contre-courant. Comme s’il lançait un dernier bras de fer au destin : prouver qu’il peut encore briller, avec en ligne de mire un rêve un peu fou : retrouver les Bleus pour le Mondial 2026, en Amérique du Nord.
Aux bons souvenirs de Pogba
Si la planète foot est en émoi depuis l’annonce de sa signature, c’est parce que Paul Pogba n’est pas un joueur comme les autres. Il est, sans doute, l’un des plus grands talents du football français de ces vingt dernières années. À l’heure des souvenirs fugaces et des jugements instantanés, il faut se rappeler ce qu’il a fait.
En équipe de France, Pogba fut l’architecte discret mais essentiel du sacre de 2018. Aux côtés de N’Golo Kanté, il formait un duo mythique, aussi emblématique que le tandem Makelele-Vieira de 2006. Il avait l’intelligence d’un meneur, la hargne d’un récupérateur, l’aura d’un capitaine sans brassard.
Il faut se souvenir. Pogba, c’était d’abord une évidence. Une gestuelle unique, un mélange de puissance et de fluidité, des transversales fouettées d’une précision chirurgicale, une vision du jeu presque paranormale. Un milieu total : élégant, explosif, imprévisible. À son meilleur niveau, il était tout simplement magnifique.
Ses détracteurs lui reprochent parfois une certaine nonchalance, un talent trop sûr de lui. Comme lors de l’Euro 2021 : après avoir illuminé le match contre la Suisse, il perd un ballon en prolongation qui coûte l’élimination. Mais c’est oublier un peu trop vite le récital qui a précédé : ses ouvertures lumineuses, sa technique étincelante, son sens du jeu, ce but splendide à 25 mètres, suivi d’une célébration à la Cantona. De la classe, rien que de la classe.
Un défi insensé
Mais ce Pogba-là existe-t-il encore ? Ou bien a-t-il été définitivement perdu pour le football de haut niveau ? Sa dernière saison pleine remonte à… 2020. Revenir au sommet après quatre ans de blessures, de galères, de suspensions ? Sur le papier, c’est mission impossible.
Dans le football, il n’existe pas de précédent. Il y eut bien Lassana Diarra, qui réussit une résurrection étonnante à l’OM après un an d’absence, avant de s’éteindre à petit feu. Mais Pogba, lui, sort d’une traversée du désert bien plus longue. Et même en élargissant le champ aux autres sports, l’exploit reste introuvable. Michael Jordan ? Certes, il est revenu dominer la NBA après quinze mois de pause et un détour par le baseball. Mais jamais après une telle disette.
À LIRE AUSSI Pogba peut-il revenir à son meilleur niveau après sa longue suspension ? La vérité, c’est que le corps oublie. Le rythme du très haut niveau, lui, ne pardonne pas. Pogba n’a plus enchaîné une saison complète depuis la pandémie et il revient dans un football plus rapide, plus exigeant.
Et au-delà du défi physique s’ajoute un défi mental. Pogba a traversé le feu. Il a été sali par les affaires : le dopage, bien sûr, mais aussi cette rocambolesque tentative d’extorsion impliquant son propre frère. Il n’est plus l’enfant chéri du football français. Et pourtant, une part du public continue de l’aimer, de l’attendre. De croire, peut-être, à un baroud d’honneur à la hauteur de son talent.
Écrire sa propre fin
Paul Pogba aurait pu disparaître en silence. Tourner la page, s’épargner les regards sceptiques, les doutes, mais il a choisi le combat. En avait-il besoin, financièrement ? Non. L’ancien joueur de Manchester United a amassé des millions.
Pogba veut écrire sa propre fin. Et cette obstination, ce retour contre toute attente, rappelle un autre come-back de légende, venu du cinéma cette fois : celui de Rocky Balboa. Dans le dernier opus de la saga, le boxeur, vieillissant, remonte sur le ring à plus de 60 ans, alors que plus personne ne croit en lui. Pourquoi ? Parce qu’il sent encore « un truc au sous-sol » (« I have some stuff in the basement », en anglais dans le texte). Un feu qui continue de brûler. Une bête qu’il ne peut pas faire taire.
Pogba, comme Rocky, n’a plus rien à prouver. Il n’a plus rien à perdre. Et c’est précisément là que commence la légende. « L’important, ce n’est pas la force de frappe. L’important, c’est de savoir encaisser et continuer d’avancer. » Cette phrase que Balboa adresse à son fils pourrait être celle que Pogba se murmure à lui-même. Revenir non pour les autres, mais pour lui. Pour se regarder en face. Et se dire qu’il est allé au bout.
La technique ne se perd pas
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Sur le papier, il reste tout de même quelques raisons d’espérer. La technique, dans le football comme ailleurs, ne se perd pas. Et dans ce domaine, Pogba a toujours été hors norme. Quant à sa réathlétisation, il va pouvoir la peaufiner à Monaco, loin des tumultes d’un club sous pression comme l’OM, auprès de Sandy Guichard, préparateur physique réputé parmi les meilleurs du pays.
S’il réussit, s’il rejoue, s’impose, et retrouve les Bleus pour 2026, alors ce ne sera pas un simple come-back. Ce sera un exploit hors norme. Le plus grand défi relevé par un joueur de l’ère moderne. Parce que le talent, on l’a vu. Mais la volonté, le courage, la folie qu’il faut pour revenir après tant de tempêtes ? Seul un champion peut en faire la démonstration. Et Pogba, qu’on le veuille ou non, n’a jamais cessé d’en être un.