Donald Trump veut rouvrir la mythique prison d’Alcatraz, fermée en 1963.
Considérée en son temps comme la plus sûre (et la plus dure) d’Amérique, elle ne compterait aucune évasion réussie. Pourtant, depuis six décennies, une légende tenace entretient l’opinion contraire.
Des rochers coupant comme des lames, des eaux froides et agitées, et de surcroît infestées de requins. S’évader de la prison d’Alcatraz, une île au milieu de la baie de San Francisco, était réputé impossible – même si la dangerosité desdits requins a été largement exagérée. Quatorze tentatives ont eu lieu dans la relativement courte histoire de cette prison de haute sécurité, qui accueillit le « pire du pire » des condamnés américains de 1934 à 1963. Mais aucune n’a réussi, selon l’administration pénitentiaire.
C’est cet imaginaire de forteresse imperméable qu’a convoqué Donald Trump, en ordonnant la remise en service de cette prison pour les criminels les plus dangereux
. Pourtant, trois détenus qui ont tenté une évasion en 1962 sont demeurés introuvables ensuite. Si l’hypothèse la plus couramment retenue est qu’ils se sont noyés, leurs dossiers sont toujours officiellement ouverts aujourd’hui, plus de six décennies après. Et c’est cette affaire qui avait précipité la fermeture d’Alcatraz, en 1963, à l’issue des enquêtes qu’elle a déclenchées. La prison est devenue un musée dix ans plus tard, où leur légende est racontée à près d’un million de visiteurs chaque année.
Des spécialistes de l’évasion
Ils étaient quatre, au départ. En cette nuit du 11 juin 1962, ils sont sur le point de passer à l’action, après six mois de préparatifs minutieux. Les quatre hommes se connaissent, pour s’être déjà croisés dans d’autres pénitenciers. Ce ne sont pas des anges, ils ont tous commis de nombreux délits, dont des braquages à main armée. Mais ce qui leur a valu d’être envoyés dans cette prison réputée hermétique, c’est surtout leur propension à tenter de s’évader, parfois avec succès, de toutes celles où ils sont passés auparavant.
La première erreur de l’administration pénitentiaire aura été d’enfermer Frank Morris, Allen West, et les frères John et Clarence Anglin dans des cellules côte-à-côte, et la seconde de négliger un couloir de service adjacent, long de quelques mètres. Depuis le mois de décembre 1961, ces spécialistes de l’évasion ont peaufiné leur plan, creusant des galeries à l’aide d’outils bricolés. Un moteur d’aspirateur leur a permis de fabriquer une perceuse. Ils ont alors conçu un radeau à partir de dizaines d’imperméables volés. Utilisant les cours de musique pour masquer le bruit de leurs efforts, ils ont même réalisé de faux murs pour dissimuler les trous déjà percés. Des têtes en papier mâché, avec des cheveux récupérés dans le salon de coiffure de la prison, donnaient l’illusion qu’ils étaient bien dans leurs lits, alors qu’ils s’affairaient à creuser.

La nuit du 11 juin, alors qu’ils mettent leur plan à exécution, un imprévu survient. Allen West, gêné par le ciment utilisé pour maintenir son faux mur, se retrouve coincé. Ses camarades, n’attendant plus, finissent par l’abandonner. Quand il parvient enfin à sortir, ils sont déjà loin. Selon la légende, l’homme est alors retourné se coucher.
Les trois comparses, quant à eux, avaient réussi à rejoindre le toit par un conduit de ventilation. Ils sont ensuite descendus par une gouttière, franchissant une dernière barrière de barbelés de près de 4 mètres de haut avant d’atteindre la rive dans un angle mort qu’ils avaient identifié. Ils ont alors gonflé leur radeau avec le soufflet d’un accordéon. Ce n’est que le lendemain matin qu’une alerte est donnée lorsqu’un gardien découvre la tête en papier mâché de Frank Morris dans sa cellule.
Les trois hommes ont-ils survécu ?
Concernant les trois évadés, les autorités ont fini par les déclarer noyés dans leur tentative d’atteindre Angel Island, une île située à trois kilomètres au nord. En cette nuit-là, aucune voiture n’a été volée, ce qui aurait pu indiquer une évasion réussie. Les conditions de l’eau et des courants rendaient leur survie à bord d’un canot fait d’imperméables hautement improbable, mais pas totalement impossible. D’innombrables témoignages de personnes affirmant avoir croisé l’un des évadés ont alimenté le mystère. Certaines rumeurs évoquent leur présence au Brésil dans les années 70, mais sans preuves concrètes.
Une lettre envoyée au FBI en 2013, prétendument rédigée par John Anglin, affirmait que son frère et Frank Morris étaient morts quelques années auparavant, proposant une reddition contre des soins médicaux. L’enquête des autorités a conclu à un faux. Les avis de recherche de ces trois hommes sont toujours actifs, même si Clarence Anglin aurait aujourd’hui 94 ans.
Le scénario incroyable de cette évasion a inspiré de nombreux livres et films, avec L’Évadé d’Alcatraz
de Clint Eastwood comme exemple le plus célèbre. Ironiquement, ce film de 1979 était diffusé sur une chaîne de Floride la veille de l’annonce de Trump concernant la réouverture d’Alcatraz. De nombreux internautes se demandent si cette diffusion a influencé le président à envisager cette idée.