Dans une vidéo partagée sur X ce mardi, Giorgia Meloni critique la présence de la France en Afrique. La séquence remonte en réalité à 2019. La Première ministre italienne y multiplie les fausses informations et les idées reçues à propos du franc CFA.
Suivez la couverture complète
L’info passée au crible des Vérificateurs
Tous les moyens sont bons pour s’en prendre aux pratiques de la France. Quitte à fouiller dans les archives. Un compte identifié comme un relais de la propagande russe en France affirme ce mardi 7 mai (nouvelle fenêtre) que Giorgia Meloni s’en est violemment prise au « système néocolonial » français. Dans la vidéo, l’actuelle Première ministre italienne multiplie les accusations contre Paris et sa présence en Afrique, sous les applaudissements du public. Une séquence largement partagée, cumulant 300 000 vues. Nous l’avons vérifiée.
Une vidéo qui remonte à janvier 2019
Tout d’abord, il est important de souligner que cet extrait n’est pas récent. Si elle a été propulsée sur les réseaux sociaux, cette intervention remonte en réalité à 2019. On en retrouve la trace le 21 janvier sur le compte Twitter de Giorgia Meloni (nouvelle fenêtre) et sur la chaîne YouTube (nouvelle fenêtre) du parti d’extrême droite qu’elle dirige, Fratelli d’Italia.
Voilà pour la forme, mais quid du fond ? Dans cette vidéo, Giorgia Meloni apparaît particulièrement remontée. Face au présentateur de la chaîne italienne LA7, elle déplie un franc CFA et accuse la France d’utiliser cette « monnaie coloniale » pour exploiter « 14 nations africaines ». Plus précisément, elle affirme (en italien dans la vidéo) que Paris « imprime » cette monnaie contre « 50% » des richesses liées aux exportations de ces pays. L’actuelle Première ministre italienne cite alors l’exemple du Burkina Faso, où l’or fait partie des principaux produits exportés. Et de lancer, en hurlant : « L’or, pour lequel cet enfant se glisse dans un tunnel, finit en grande partie dans les caisses de l’État français! » Un argumentaire implacable pour celle qui souhaite démontrer que les vagues migratoires prennent leur origine dans la spoliation par « certains Européens » du continent africain.
Sauf que l’intégralité de son raisonnement est trompeur. À commencer par l’idée d’une « monnaie coloniale. » Effectivement, le franc CFA est un héritage du passé colonial de la France (nouvelle fenêtre). Créé en 1945 après la signature des accords de Bretton Woods, il est littéralement le franc des « Colonies Françaises d’Afrique. » Depuis 1960, cette abréviation signifie cependant « Communauté Financière Africaine. » Une histoire qui alimente les fantasmes. Comme le relevait en septembre 2020 un rapport sénatorial sur la question (nouvelle fenêtre), « le contexte de création des francs CFA et son effet sur les imaginaires collectifs perdurent encore aujourd’hui et affectent fortement la manière de percevoir la coopération monétaire avec la France. »
Mais en réalité, le franc CFA est aujourd’hui émis par deux banques centrales complètement indépendantes. La BCEAO pour l’Afrique de l’Ouest – où seuls deux représentants français siègent, sans droit de veto – et la BEAC pour l’Afrique centrale, qui n’a plus de représentants français depuis 2019.
Des banques centrales indépendantes de Paris
Qu’en est-il de cette idée selon laquelle la moitié des richesses de ces pays arriveraient directement dans les caisses du Trésor français ? Là aussi, Giorgia Meloni diffuse une rumeur qui n’est pas nouvelle, celle d’un « impôt colonial. » En fait, pendant plusieurs décennies, en contrepartie des avantages du système exposé plus haut, les 14 pays qui utilisaient le franc CFA devaient « déposer au moins 50% de leurs réserves de change sur un compte courant au Trésor français » (nouvelle fenêtre). Cela ne signifiait pas du tout que la France récupérait la moitié de ces ressources, puisque les sommes déposées l’étaient sur des comptes librement accessibles par les pays. Le Trésor français ne possédait pas cet argent, pas plus qu’une banque ne possède l’argent que vous déposez sur votre compte. Il ne s’agit donc pas d’un « impôt colonial » versé par les pays membres, mais d’un dépôt, dont les intérêts leur sont reversés. À noter que, depuis 2019, cette obligation a été abrogée pour les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine.
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« J’ai contesté l’attitude prédatrice » de la France : Meloni évoque son premier entretien avec Macron
Pour finir, reste la question de l’exploitation des mines d’or, dont les richesses reviendraient principalement à la France. Là encore, Giorgia Meloni fait fausse route. En 2020, le Burkina Faso a en effet exporté 7,19 milliards de dollars d’or. Mais la destination principale de ce matériau précieux n’est pas la France. D’après une visualisation de l’Observatoire de la complexité économique (nouvelle fenêtre), ces exportations profitent en priorité à la Suisse, à l’Inde, à l’Ouganda, aux Émirats arabes unis et à la Belgique. Reste que cette question est effectivement très problématique dans le pays. Comme le relevait sur France 24 (nouvelle fenêtre), le chercheur burkinabé Tongnoma Zong souligne que « l’or représente 70% des exportations du pays, mais il ne contribue qu’à hauteur de 11% du PIB national. » Preuve que cette exploitation profite avant tout aux entreprises étrangères.
En résumé, cette séquence utilisée pour mettre en cause la présence française en Afrique multiplie les rumeurs et les contre-vérités. Si certains décrivent le franc CFA comme à l’origine d’une « croissance inclusive » (nouvelle fenêtre) et que d’autres critiquent une monnaie « dépendante à la zone euro. » Les arguments avancés en 2019 par la Première ministre italienne sont faux. Il ne s’agit pas d’une monnaie « colonialiste » qui permettrait de récupérer la moitié des richesses du continent africain. Si le débat sur la place de la France sur le continent est encore vif, il convient de l’avoir en dehors de toute « géopolitique des émotions, » pour reprendre le souhait formulé en 2020 par l’ancien ministre italien Mario Giro.
Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N’hésitez pas à nous écrire à l’adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur Twitter : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.
Dans une vidéo partagée sur X ce mardi, Giorgia Meloni critique la présence de la France en Afrique. La séquence remonte en réalité à 2019. La Première ministre italienne y multiplie les fausses informations et les idées reçues à propos du franc CFA.
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Tous les moyens sont bons pour s’en prendre aux pratiques de la France. Quitte à fouiller dans les archives. Un compte identifié comme un relais de la propagande russe en France affirme ce mardi 7 mai (nouvelle fenêtre) que Giorgia Meloni s’en est violemment prise au « système néocolonial » français. Dans la vidéo, l’actuelle Première ministre italienne multiplie les accusations contre Paris et sa présence en Afrique, sous les applaudissements du public. Une séquence largement partagée, cumulant 300 000 vues. Nous l’avons vérifiée.
Une vidéo qui remonte à janvier 2019
Tout d’abord, il est important de souligner que cet extrait n’est pas récent. Si elle a été propulsée sur les réseaux sociaux, cette intervention remonte en réalité à 2019. On en retrouve la trace le 21 janvier sur le compte Twitter de Giorgia Meloni (nouvelle fenêtre) et sur la chaîne YouTube (nouvelle fenêtre) du parti d’extrême droite qu’elle dirige, Fratelli d’Italia.
Voilà pour la forme, mais quid du fond ? Dans cette vidéo, Giorgia Meloni apparaît particulièrement remontée. Face au présentateur de la chaîne italienne LA7, elle déplie un franc CFA et accuse la France d’utiliser cette « monnaie coloniale » pour exploiter « 14 nations africaines ». Plus précisément, elle affirme (en italien dans la vidéo) que Paris « imprime » cette monnaie contre « 50% » des richesses liées aux exportations de ces pays. L’actuelle Première ministre italienne cite alors l’exemple du Burkina Faso, où l’or fait partie des principaux produits exportés. Et de lancer, en hurlant : « L’or, pour lequel cet enfant se glisse dans un tunnel, finit en grande partie dans les caisses de l’État français! » Un argumentaire implacable pour celle qui souhaite démontrer que les vagues migratoires prennent leur origine dans la spoliation par « certains Européens » du continent africain.
Sauf que l’intégralité de son raisonnement est trompeur. À commencer par l’idée d’une « monnaie coloniale. » Effectivement, le franc CFA est un héritage du passé colonial de la France (nouvelle fenêtre). Créé en 1945 après la signature des accords de Bretton Woods, il est littéralement le franc des « Colonies Françaises d’Afrique. » Depuis 1960, cette abréviation signifie cependant « Communauté Financière Africaine. » Une histoire qui alimente les fantasmes. Comme le relevait en septembre 2020 un rapport sénatorial sur la question (nouvelle fenêtre), « le contexte de création des francs CFA et son effet sur les imaginaires collectifs perdurent encore aujourd’hui et affectent fortement la manière de percevoir la coopération monétaire avec la France. »
Mais en réalité, le franc CFA est aujourd’hui émis par deux banques centrales complètement indépendantes. La BCEAO pour l’Afrique de l’Ouest – où seuls deux représentants français siègent, sans droit de veto – et la BEAC pour l’Afrique centrale, qui n’a plus de représentants français depuis 2019.
Des banques centrales indépendantes de Paris
Qu’en est-il de cette idée selon laquelle la moitié des richesses de ces pays arriveraient directement dans les caisses du Trésor français ? Là aussi, Giorgia Meloni diffuse une rumeur qui n’est pas nouvelle, celle d’un « impôt colonial. » En fait, pendant plusieurs décennies, en contrepartie des avantages du système exposé plus haut, les 14 pays qui utilisaient le franc CFA devaient « déposer au moins 50% de leurs réserves de change sur un compte courant au Trésor français » (nouvelle fenêtre). Cela ne signifiait pas du tout que la France récupérait la moitié de ces ressources, puisque les sommes déposées l’étaient sur des comptes librement accessibles par les pays. Le Trésor français ne possédait pas cet argent, pas plus qu’une banque ne possède l’argent que vous déposez sur votre compte. Il ne s’agit donc pas d’un « impôt colonial » versé par les pays membres, mais d’un dépôt, dont les intérêts leur sont reversés. À noter que, depuis 2019, cette obligation a été abrogée pour les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine.
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En résumé, cette séquence utilisée pour mettre en cause la présence française en Afrique multiplie les rumeurs et les contre-vérités. Si certains décrivent le franc CFA comme à l’origine d’une « croissance inclusive » (nouvelle fenêtre) et que d’autres critiquent une monnaie « dépendante à la zone euro. » Les arguments avancés en 2019 par la Première ministre italienne sont faux. Il ne s’agit pas d’une monnaie « colonialiste » qui permettrait de récupérer la moitié des richesses du continent africain. Si le débat sur la place de la France sur le continent est encore vif, il convient de l’avoir en dehors de toute « géopolitique des émotions, » pour reprendre le souhait formulé en 2020 par l’ancien ministre italien Mario Giro.
Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N’hésitez pas à nous écrire à l’adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur Twitter : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.
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L’info passée au crible des Vérificateurs
Tous les moyens sont bons pour s’en prendre aux pratiques de la France. Quitte à fouiller dans les archives. Un compte identifié comme un relais de la propagande russe en France affirme ce mardi 7 mai (nouvelle fenêtre) que Giorgia Meloni s’en est violemment prise au « système néocolonial » français. Dans la vidéo, l’actuelle Première ministre italienne multiplie les accusations contre Paris et sa présence en Afrique, sous les applaudissements du public. Une séquence largement partagée, cumulant 300 000 vues. Nous l’avons vérifiée.
Une vidéo qui remonte à janvier 2019
Tout d’abord, il est important de souligner que cet extrait n’est pas récent. Si elle a été propulsée sur les réseaux sociaux, cette intervention remonte en réalité à 2019. On en retrouve la trace le 21 janvier sur le compte Twitter de Giorgia Meloni (nouvelle fenêtre) et sur la chaîne YouTube (nouvelle fenêtre) du parti d’extrême droite qu’elle dirige, Fratelli d’Italia.
Voilà pour la forme, mais quid du fond ? Dans cette vidéo, Giorgia Meloni apparaît particulièrement remontée. Face au présentateur de la chaîne italienne LA7, elle déplie un franc CFA et accuse la France d’utiliser cette « monnaie coloniale » pour exploiter « 14 nations africaines ». Plus précisément, elle affirme (en italien dans la vidéo) que Paris « imprime » cette monnaie contre « 50% » des richesses liées aux exportations de ces pays. L’actuelle Première ministre italienne cite alors l’exemple du Burkina Faso, où l’or fait partie des principaux produits exportés. Et de lancer, en hurlant : « L’or, pour lequel cet enfant se glisse dans un tunnel, finit en grande partie dans les caisses de l’État français! » Un argumentaire implacable pour celle qui souhaite démontrer que les vagues migratoires prennent leur origine dans la spoliation par « certains Européens » du continent africain.
Sauf que l’intégralité de son raisonnement est trompeur. À commencer par l’idée d’une « monnaie coloniale. » Effectivement, le franc CFA est un héritage du passé colonial de la France (nouvelle fenêtre). Créé en 1945 après la signature des accords de Bretton Woods, il est littéralement le franc des « Colonies Françaises d’Afrique. » Depuis 1960, cette abréviation signifie cependant « Communauté Financière Africaine. » Une histoire qui alimente les fantasmes. Comme le relevait en septembre 2020 un rapport sénatorial sur la question (nouvelle fenêtre), « le contexte de création des francs CFA et son effet sur les imaginaires collectifs perdurent encore aujourd’hui et affectent fortement la manière de percevoir la coopération monétaire avec la France. »
Mais en réalité, le franc CFA est aujourd’hui émis par deux banques centrales complètement indépendantes. La BCEAO pour l’Afrique de l’Ouest – où seuls deux représentants français siègent, sans droit de veto – et la BEAC pour l’Afrique centrale, qui n’a plus de représentants français depuis 2019.
Des banques centrales indépendantes de Paris
Qu’en est-il de cette idée selon laquelle la moitié des richesses de ces pays arriveraient directement dans les caisses du Trésor français ? Là aussi, Giorgia Meloni diffuse une rumeur qui n’est pas nouvelle, celle d’un « impôt colonial. » En fait, pendant plusieurs décennies, en contrepartie des avantages du système exposé plus haut, les 14 pays qui utilisaient le franc CFA devaient « déposer au moins 50% de leurs réserves de change sur un compte courant au Trésor français » (nouvelle fenêtre). Cela ne signifiait pas du tout que la France récupérait la moitié de ces ressources, puisque les sommes déposées l’étaient sur des comptes librement accessibles par les pays. Le Trésor français ne possédait pas cet argent, pas plus qu’une banque ne possède l’argent que vous déposez sur votre compte. Il ne s’agit donc pas d’un « impôt colonial » versé par les pays membres, mais d’un dépôt, dont les intérêts leur sont reversés. À noter que, depuis 2019, cette obligation a été abrogée pour les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine.
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Pour finir, reste la question de l’exploitation des mines d’or, dont les richesses reviendraient principalement à la France. Là encore, Giorgia Meloni fait fausse route. En 2020, le Burkina Faso a en effet exporté 7,19 milliards de dollars d’or. Mais la destination principale de ce matériau précieux n’est pas la France. D’après une visualisation de l’Observatoire de la complexité économique (nouvelle fenêtre), ces exportations profitent en priorité à la Suisse, à l’Inde, à l’Ouganda, aux Émirats arabes unis et à la Belgique. Reste que cette question est effectivement très problématique dans le pays. Comme le relevait sur France 24 (nouvelle fenêtre), le chercheur burkinabé Tongnoma Zong souligne que « l’or représente 70% des exportations du pays, mais il ne contribue qu’à hauteur de 11% du PIB national. » Preuve que cette exploitation profite avant tout aux entreprises étrangères.
En résumé, cette séquence utilisée pour mettre en cause la présence française en Afrique multiplie les rumeurs et les contre-vérités. Si certains décrivent le franc CFA comme à l’origine d’une « croissance inclusive » (nouvelle fenêtre) et que d’autres critiquent une monnaie « dépendante à la zone euro. » Les arguments avancés en 2019 par la Première ministre italienne sont faux. Il ne s’agit pas d’une monnaie « colonialiste » qui permettrait de récupérer la moitié des richesses du continent africain. Si le débat sur la place de la France sur le continent est encore vif, il convient de l’avoir en dehors de toute « géopolitique des émotions, » pour reprendre le souhait formulé en 2020 par l’ancien ministre italien Mario Giro.
Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N’hésitez pas à nous écrire à l’adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur Twitter : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.
Dans une vidéo partagée sur X ce mardi, Giorgia Meloni critique la présence de la France en Afrique. La séquence remonte en réalité à 2019. La Première ministre italienne y multiplie les fausses informations et les idées reçues à propos du franc CFA.
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L’info passée au crible des Vérificateurs
Tous les moyens sont bons pour s’en prendre aux pratiques de la France. Quitte à fouiller dans les archives. Un compte identifié comme un relais de la propagande russe en France affirme ce mardi 7 mai (nouvelle fenêtre) que Giorgia Meloni s’en est violemment prise au « système néocolonial » français. Dans la vidéo, l’actuelle Première ministre italienne multiplie les accusations contre Paris et sa présence en Afrique, sous les applaudissements du public. Une séquence largement partagée, cumulant 300 000 vues. Nous l’avons vérifiée.
Une vidéo qui remonte à janvier 2019
Tout d’abord, il est important de souligner que cet extrait n’est pas récent. Si elle a été propulsée sur les réseaux sociaux, cette intervention remonte en réalité à 2019. On en retrouve la trace le 21 janvier sur le compte Twitter de Giorgia Meloni (nouvelle fenêtre) et sur la chaîne YouTube (nouvelle fenêtre) du parti d’extrême droite qu’elle dirige, Fratelli d’Italia.
Voilà pour la forme, mais quid du fond ? Dans cette vidéo, Giorgia Meloni apparaît particulièrement remontée. Face au présentateur de la chaîne italienne LA7, elle déplie un franc CFA et accuse la France d’utiliser cette « monnaie coloniale » pour exploiter « 14 nations africaines ». Plus précisément, elle affirme (en italien dans la vidéo) que Paris « imprime » cette monnaie contre « 50% » des richesses liées aux exportations de ces pays. L’actuelle Première ministre italienne cite alors l’exemple du Burkina Faso, où l’or fait partie des principaux produits exportés. Et de lancer, en hurlant : « L’or, pour lequel cet enfant se glisse dans un tunnel, finit en grande partie dans les caisses de l’État français! » Un argumentaire implacable pour celle qui souhaite démontrer que les vagues migratoires prennent leur origine dans la spoliation par « certains Européens » du continent africain.
Sauf que l’intégralité de son raisonnement est trompeur. À commencer par l’idée d’une « monnaie coloniale. » Effectivement, le franc CFA est un héritage du passé colonial de la France (nouvelle fenêtre). Créé en 1945 après la signature des accords de Bretton Woods, il est littéralement le franc des « Colonies Françaises d’Afrique. » Depuis 1960, cette abréviation signifie cependant « Communauté Financière Africaine. » Une histoire qui alimente les fantasmes. Comme le relevait en septembre 2020 un rapport sénatorial sur la question (nouvelle fenêtre), « le contexte de création des francs CFA et son effet sur les imaginaires collectifs perdurent encore aujourd’hui et affectent fortement la manière de percevoir la coopération monétaire avec la France. »
Mais en réalité, le franc CFA est aujourd’hui émis par deux banques centrales complètement indépendantes. La BCEAO pour l’Afrique de l’Ouest – où seuls deux représentants français siègent, sans droit de veto – et la BEAC pour l’Afrique centrale, qui n’a plus de représentants français depuis 2019.
Des banques centrales indépendantes de Paris
Qu’en est-il de cette idée selon laquelle la moitié des richesses de ces pays arriveraient directement dans les caisses du Trésor français ? Là aussi, Giorgia Meloni diffuse une rumeur qui n’est pas nouvelle, celle d’un « impôt colonial. » En fait, pendant plusieurs décennies, en contrepartie des avantages du système exposé plus haut, les 14 pays qui utilisaient le franc CFA devaient « déposer au moins 50% de leurs réserves de change sur un compte courant au Trésor français » (nouvelle fenêtre). Cela ne signifiait pas du tout que la France récupérait la moitié de ces ressources, puisque les sommes déposées l’étaient sur des comptes librement accessibles par les pays. Le Trésor français ne possédait pas cet argent, pas plus qu’une banque ne possède l’argent que vous déposez sur votre compte. Il ne s’agit donc pas d’un « impôt colonial » versé par les pays membres, mais d’un dépôt, dont les intérêts leur sont reversés. À noter que, depuis 2019, cette obligation a été abrogée pour les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine.
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En résumé, cette séquence utilisée pour mettre en cause la présence française en Afrique multiplie les rumeurs et les contre-vérités. Si certains décrivent le franc CFA comme à l’origine d’une « croissance inclusive » (nouvelle fenêtre) et que d’autres critiquent une monnaie « dépendante à la zone euro. » Les arguments avancés en 2019 par la Première ministre italienne sont faux. Il ne s’agit pas d’une monnaie « colonialiste » qui permettrait de récupérer la moitié des richesses du continent africain. Si le débat sur la place de la France sur le continent est encore vif, il convient de l’avoir en dehors de toute « géopolitique des émotions, » pour reprendre le souhait formulé en 2020 par l’ancien ministre italien Mario Giro.
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