Accueillir les élèves dans des espaces préservés de la chaleur, supprimer les activités physiques et les sorties aux heures les plus chaudes de la journée, appeler le Samu en cas de malaise… Envoyées dimanche matin par le ministère de l’Éducation nationale à l’ensemble de ses personnels et aux familles, ces mesures faisaient rire jaune ce lundi 30 juin aux abords des établissements scolaires du pays.
« Des températures comprises entre 34 °C et 40 °C sont attendues jusqu’à mercredi, et on demande aux profs de faire des courants d’air. Nos enfants sont sauvés ! » ironise une maman devant une école primaire parisienne. Alors que Météo-France a déclenché la vigilance rouge dans 16 départements pour la journée de mardi, personne ne semble savoir ce que cela implique concrètement pour les écoles.
Si la plupart des collèges et des lycées sont fermés pour cause d’examens, les élèves de primaire ont en effet encore une semaine d’école avant les vacances qui ont lieu cette année vendredi 4 juillet. Les élèves de première passent quant à eux leurs oraux de français et ceux de terminale leur grand oral. Mais pour Élisabeth Borne, il n’est pas question de reporter les épreuves ou d’avancer pour autant la sortie de classe. La ministre a prôné une « gestion au cas par cas » selon les territoires des rectorats, en accord avec les régions, les préfectures et les mairies, chargées des bâtiments des établissements scolaires et du périscolaire.
Dès dimanche, certaines municipalités comme à Melun, Tours ou Carpentras avaient donc décidé de fermer leurs écoles. En tout, près de 200 écoles publiques ont fait l’objet d’une fermeture partielle ou totale lundi, et 1350 ce mardi, sur un total d’environ 45 000 dans le pays, a indiqué la ministre, pour souligner que la mesure restait très exceptionnelle. Car dans le cas d’une fermeture, « il est impératif d’organiser des solutions alternatives d’accueil », a-t-elle insisté. Pas si simple, quand ce qui pose problème est le bâti.
Système D
Dans la majorité du pays, l’ambiance est donc plutôt à la débrouille. « Navré de vous écrire un dimanche, […] mais si vous aviez la possibilité de nous prêter tout système qui permettrait de faire baisser la température, nous vous en saurions gré », écrivait par e-mail ce directeur d’école parisienne aux parents de ses élèves, pendant qu’un autre encourageait « les familles le pouvant à garder leurs enfants à domicile ». De son côté, une enseignante rappelle par mail également les consignes de base aux parents : « Habillez vos enfants légèrement, équipez-les d’une casquette et d’un brumisateur si vous avez… »
D’autres expliquent être venus plus tôt en matinée pour ouvrir les fenêtres et rafraîchir leur classe avant l’arrivée des enfants, avoir apporté leur propre ventilateur ou en avoir acheté un sur leurs deniers personnels. « J’ai même une collègue enseignante dans le primaire qui a acheté des éventails pour tous ses élèves », souligne Jean-Rémi Girard, président du Syndicat national des lycées et des collèges (Snalc).
Du côté des lycées centres d’examens, l’improvisation semble la plus totale également. Le ministère a demandé notamment de « fermer les volets et rideaux des façades les plus exposées au soleil durant toute la journée » et « de s’assurer que les candidats disposent d’eau potable ». « Comme si les enseignants n’avaient pas eu le réflexe eux-mêmes… », soupire Jean-Rémi Girard, évoquant des conditions d’examen « injustes » pour les candidats.
« Lorsqu’il fait 35 degrés dans une salle, il est impossible de réfléchir correctement. Surtout si vous êtes stressé et que la température a tendance à monter naturellement pour vous », dit-il, rappelant qu’en 2019, lors d’un épisode caniculaire similaire, les épreuves du brevet des collèges avaient été reportées de quelques jours. Autre argument : l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) indique en outre qu’au-delà de 30 degrés pour une activité de bureau, « la chaleur peut constituer un risque pour la santé des salariés ».
Bouilloires thermiques l’été et passoires énergétiques l’hiver
Face à ce qu’ils considèrent comme un déni, les parents d’élèves ne cachent plus leur lassitude. « Les personnels de l’Éducation nationale font ce qu’ils peuvent, je leur tire mon chapeau. Mais concrètement, on leur demande de protéger nos enfants du réchauffement climatique avec des brumisateurs ! » s’insurge Grégoire Ensel, porte-parole de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), qui plaide depuis longtemps pour un « bâti scolaire repensé face au changement climatique ».
Si aucun diagnostic précis n’a été établi, la plupart des établissements scolaires publics seraient concernés. Environ 52 600 bâtiments pour un coût estimé à près de 50 milliards d’euros. Une somme, certes, mais à l’heure où il est envisagé de raccourcir les vacances d’été, dans le cadre de la convention citoyenne sur les temps de l’enfant, le sujet risque de se reposer de manière plus pressante encore.
« Il ne s’agit pas de quelques jours d’été par an », précise le représentant des parents d’élèves. « Ces bâtiments qu’on appelle bouilloires thermiques sont les mêmes qu’on appelle passoires énergétiques l’hiver. Cela veut dire que ces bâtiments sont insupportables la moitié de l’année pour les enfants ! Comment voulez-vous relever le niveau de l’école dans de telles conditions d’apprentissage ? »