Le chef de l’État prend dès lundi la direction de Mayotte, où il doit faire le point sur l’avancée de la reconstruction après le passage du cyclone Chido. Il marquera ensuite une étape à La Réunion, un département également fragilisé par les aléas climatiques mais aussi une épidémie généralisée de chikungunya. La suite de son voyage sera dédiée à Madagascar et l’île Maurice, notamment autour d’enjeux liés à la décolonisation.
Un long déplacement avec un objectif ambitieux en tête : « bâtir un espace commun dans la région ». Emmanuel Macron entame lundi 21 avril à Mayotte une tournée de cinq jours dans l’océan Indien afin d’accélérer la reconstruction de l’archipel, dévasté par le cyclone Chido, et de renforcer la place de la France dans cette région stratégique très convoitée.
Bilan d’étape de la reconstruction difficile à Mayotte
Le président, venu constater l’ampleur des dégâts le 18 décembre, avait alors promis aux Mahorais de revenir pour « lancer le temps de la reconstruction », a rappelé la présidence. Quatre mois après le passage du cyclone, qui a fait 40 morts et causé quelque 3,5 milliards d’euros de dommages, les habitants du département le plus pauvre de France peinent à entrevoir le bout du tunnel, au-delà des travaux d’urgence pour rétablir l’eau, l’électricité et les télécommunications.
Le chef de l’État, déjà confronté à l’impatience et la colère des Mahorais en décembre, risque de se heurter au même climat lors de ses échanges avec la population et les élus. Il s’était engagé à rebâtir l’habitat et les infrastructures de Mayotte sur le modèle de la cathédrale Notre-Dame, avec des règles spéciales et des délais raccourcis. « Mayotte doit être plus belle demain qu’elle n’a été même avant le cyclone parce qu’il y avait déjà un territoire qui était en pleine fragilité », assure l’Élysée.
Lire aussi : Mayotte : des sénateurs réclament une commission d’enquête sur la gestion du cyclone Chido.
« Le président a à cœur d’être un homme qui tient sa parole, il s’était engagé à revenir voir comment on a réparé… Ce voyage est l’illustration de cet engagement », a aussi fait valoir la présidence, qui a par ailleurs annoncé qu’Emmanuel Macron présidera lundi depuis l’avion, après son départ de Mayotte pour La Réunion, un Conseil des ministres où sera présenté le projet de loi de programmation très attendu de « refondation » de l’archipel.
Ce projet de loi, qui comprend un important volet de lutte contre l’immigration clandestine depuis les Comores et contre l’habitat illégal, sera présenté en vue d’une adoption d’ici à l’été par le Parlement, alors qu’un texte très contesté durcissant les restrictions au droit du sol à Mayotte a tout récemment été voté.
L’épidémie de chikungunya et le « rôle stratégique » de La Réunion au cœur des discussions
Dans la foulée, il rejoindra l’autre département français de la région, La Réunion, également frappé par de violents aléas climatiques. Le cyclone Garance y a fait cinq morts le 28 février et généré près de 250 millions d’euros de dégâts, dont 150 pour le seul secteur agricole, selon de premiers bilans.
Le président, qui restera mardi et mercredi matin à La Réunion, abordera aussi les enjeux sanitaires liés à l’épidémie majeure de chikungunya, une maladie infectieuse transmise par le moustique tigre. Elle a déjà fait six morts sur l’île depuis le début de l’année, et pourrait avoir infecté plus de 100.000 personnes. Une campagne de vaccination a été lancée par les autorités sanitaires la semaine passée.
Il va aussi réaffirmer le « rôle stratégique de La Réunion dans la zone indo-pacifique », où la France entend s’imposer comme un acteur majeur grâce à ses multiples territoires et son immense espace maritime, le deuxième du monde derrière les États-Unis. Il veut ainsi souligner la place du département « au cœur de l’océan Indien » avec ses infrastructures de santé, de recherche et ses nouvelles technologies, mais aussi sa base navale, dans une zone stratégique pour le passage du commerce international.
Plusieurs points de friction à aborder à Madagascar
Dans ce contexte, les visites que le président effectuera ensuite à Madagascar (mercredi et jeudi) et à l’île Maurice (vendredi) visent à « valoriser nos intérêts partagés », résume l’Élysée. Emmanuel Macron entend renforcer coopérations et alliances dans la région en temporisant sur les multiples points de friction hérités de la décolonisation.
À Madagascar, où la dernière visite bilatérale d’un président français remonte à 2005 avec Jacques Chirac, l’accent sera mis mercredi sur le renforcement des échanges commerciaux et des investissements. Mais plusieurs sujets qui fâchent seront aussi abordés. Le président va ainsi évoquer la « restitution à venir » d’ossements humains datant de la colonisation, dont le crâne du roi Toera, décapité en 1897 par les troupes françaises, un enjeu mémoriel important entre les deux pays.
Autre contentieux hérité de la décolonisation, les îles Éparses, territoire français revendiqué par Madagascar, avec en toile de fond les ressources halieutiques et en hydrocarbures contenues dans les zones économiques exclusives générées par ces espaces. Le sujet sera « évoqué » par le président français et son homologue Andry Rajoelina, avec l’idée de relancer la Commission mixte sur l’avenir de l’archipel initiée en 2019, pointe sobrement l’Élysée.
L’épineuse question de l’entrée de Mayotte dans la Commission de l’océan Indien
Par ailleurs, la question de l’intégration de Mayotte à la Commission de l’océan Indien (COI) sera discutée lors du cinquième sommet de l’organisation jeudi, qui sera en grande partie dédié à la souveraineté alimentaire, selon l’Élysée. Cette instance de coopération intergouvernementale réunit Madagascar, l’île Maurice, l’Union des Comores, les Seychelles et La Réunion pour la France.
Les Mahorais réclament d’en faire partie également, mais les Comores, qui ne reconnaissent pas la souveraineté de Paris sur l’archipel, s’y opposent. Emmanuel Macron évoquera le sujet de façon « pragmatique », en plaidant pour une « inclusion » progressive de Mayotte via des programmes de coopération tels que la santé, a tout aussi sobrement esquissé l’Élysée.
À Madagascar puis à l’île Maurice vendredi, la sécurité maritime sera aussi au cœur des discussions, tout comme la protection des océans face au changement climatique et à la pollution plastique. À Maurice, le président prendra la parole sur ces enjeux dans la perspective de la prochaine Conférence des Nations unies pour l’Océan qui se tiendra en juin à Nice. Par ailleurs, une convention de fourniture de blé couvrant « une grande partie des besoins » de l’île sera signée, avant le retour d’Emmanuel Macron à Paris samedi.