C’est une date qui porte chance pour certains, mais qui donne des sueurs froides à d’autres. En ce vendredi 13 septembre, ceux qui souffrent de « paraskevidékatriaphobie » angoissent. Zoom sur cette étonnante phobie.
Il y en avait deux en 2023, deux en 2024 mais un seul cette année ! Le vendredi 13 revient en ce mois de juin 2025. Des dates cochées d’une croix noire sur le calendrier de ceux chez qui elles déclenchent des angoisses. Car la phobie du vendredi 13 a un nom, la « paraskevidékatriaphobie », vocable formé à partir des mots en grec ancien paraskevi (le 6ᵉ jour de la semaine, donc vendredi), decatreis (treize) et phobos (peur). Le terme originel, la « triskaidekaphobie », c’est-à-dire la peur du nombre « 13 », est apparu pour la première fois dans les médias sous la plume de l’écrivain Stephen King dans un article paru le 12 avril 1984, la veille d’un vendredi 13, dans le New York Times
. Le maître de l’horreur y révélait, non sans une pointe d’humour, sa phobie pour ce nombre maudit.
Difficile de savoir combien de personnes sont réellement affectées par ce syndrome, qui n’apparaît dans aucun glossaire savant. Et pour cause, il ne s’agit pas d’une phobie au sens classique, nous explique la psychologue Laurie Hawkes. « La peur irrationnelle associée à la date du vendredi 13 relève plutôt de ce qu’on appelle la pensée magique, un reliquat de notre enfance. Les superstitions et les croyances, y compris les plus farfelues, agissent sur notre psychisme. Elles ont pour effet de nous rassurer, car tout devient possible lorsqu’on ouvre la porte de l’imaginaire. D’ailleurs, en fonction du contexte, le nombre 13 peut également prendre un sens plus positif
« , souligne la spécialiste, qui précise n’avoir jamais eu à traiter de cas de paraskevidékatriaphobie dans son cabinet en vingt ans de carrière.

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Pourtant, selon une enquête publiée en 2022 par l’institut Ifop sur « Les Français et la superstition », trois Français sur dix déclaraient être superstitieux et plus d’un quart (26%) se disaient attentifs au nombre 13. Chez les 25-34 ans, près de la moitié (43%) affirmaient lui attribuer de l’importance. En revanche, seulement 13% des 65 ans et plus lui conféraient une symbolique particulière. Ainsi, pour 22% des Français interrogés, être « 13 à table » porte malheur. Pour autant, ils sont 31% à estimer que le vendredi 13 est un jour propice à la chance (+7 points depuis 2014), un chiffre en hausse qui peut s’expliquer par la publicité et le marketing autour des jeux d’argent, à l’instar du Super Loto qui surfe sur la vague du vendredi 13. Ces jours-là, la Française des Jeux enregistre deux à trois fois plus de mises.
Mais alors, d’où vient donc cette fascination pour ce nombre « maudit » ? Il faut rembobiner jusqu’aux origines de la chrétienté. Et plus précisément, à la Cène, lorsque les douze Apôtres se réunissent autour de Jésus de Nazareth. Un treizième homme se joint finalement à eux, en la personne de Judas, alors considéré comme un traître. Or, on connaît la suite : au lendemain de ce dernier souper, Jésus sera crucifié et, hasard du calendrier, c’était… un vendredi. Au fil du temps, la superstition s’est enracinée dans la culture populaire, trouvant ci et là de nouvelles évidences démontrant le pouvoir maléfique de ce nombre premier et ainsi alimenter la paraskevidékatriaphobie générale.
C’est névrotique, bien sûr. Mais c’est aussi… plus sûr
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L’écrivain Stephen King
Hasard du calendrier (ou pas), les événements tragiques associés à cette date sont légion dans l’histoire récente. Sur Internet, de nombreux sites en font d’ailleurs l’inventaire. On trouve ainsi, pêle-mêle, la naissance du fondateur du Ku Klux Klan (vendredi 13 juillet 1821), le bombardement de Buckingham Palace (vendredi 13 septembre 1940), le cyclone de Bhola au Bangladesh et ses 500.000 victimes (vendredi 13 novembre 1970), mais aussi l’assassinat du rappeur américain Tupac Shakur (vendredi 13 septembre 1996), le naufrage du Costa Concordia (vendredi 13 janvier 2012) ou les attentats de Paris (vendredi 13 novembre 2015).
Pour autant, de l’autre côté de l’Atlantique, l’affaire est prise très au sérieux. Ainsi, pour accommoder les plus superstitieux, des compagnies aériennes ont décidé de faire retirer la rangée numéro 13. Dans certains ascenseurs, le treizième étage est parfois désigné par la lettre « M » (la 13ᵉ de l’alphabet), quand il n’a pas été tout simplement remplacé par le 14ᵉ étage. Dans un hôtel où s’est rendu le JT de TF1, dans le reportage visible en tête de cet article, un employé nous explique qu’on y passe « de la chambre 312 à la chambre 313. On a fait le choix de ne pas mettre de numéro 13 pour préserver d’éventuels clients superstitieux.
»
Dans une enquête parue en 1987 dans le très sérieux Smithsonian Magazine
, le psychosociologue américain Paul Hoffman estimait même que la peur irrationnelle du nombre 13 « coûte à l’Amérique
un million de dollars par an
en absentéisme, annulations de billets de train et d’avion, et un commerce dégradé le 13ᵉ jour du mois
« .
Napoléon et Roosevelt eux aussi touchés
Mais si vous souffrez de paraskevidékatriaphobie, pas la peine de s’affoler ! Ce syndrome n’a pour ainsi dire jamais empêché quiconque d’avoir un grand destin. L’empereur Napoléon Bonaparte lui-même était un toqué du nombre 13, c’est en tout cas ce qu’écrit le Dr Cabanès dans son Cabinet secret de l’Histoire
. Tout comme l’ancien Premier ministre britannique Winston Churchill, ou encore l’ancien président américain Franklin D. Roosevelt. La légende raconte qu’il ne voyageait pas le 13e jour de n’importe quel mois et n’accueillait jamais 13 invités à un repas. Et comme l’écrivait Stephen King dans son article du New York Times
: « C’est névrotique, bien sûr. Mais c’est aussi… plus sûr.
»