Plusieurs vidéos fleurissent sur TikTok pour faire croire à un contrôle des autorités bancaires sur le retrait d’argent liquide.
Aucune des informations qui circulent à ce sujet ne sont vraies et nourrissent un certain récit complotiste.
Les retraits de plus de 200 euros s’apprêtent-ils à être contrôlés par le gouvernement ? Selon la rumeur qui circule sur TikTok, le retrait d’une telle somme d’argent risque d’entraîner le partage de ses données bancaires et son « fichage automatique »
, dès le 18 septembre. Une série de vidéos se montrent particulièrement alarmistes sur le sujet. Elles ne se retrouvent pas toutes virales, elles se retrouvent en tête des contenus français de la plateforme pour la recherche suivante (nouvelle fenêtre) : « retrait 200 euros ».
« Ses infos bancaires remontées à Bercy »
Dans cette vidéo (nouvelle fenêtre), par exemple, qui s’apparente à un montage basique de séquences d’Emmanuel Macron et d’images d’illustration, une voix off affirme qu’à partir « du 18 septembre 2025, toute personne qui retire plus de 200 euros en espèces sur sept jours glissants verra ses infos bancaires remonter à Tracfin, le service de Bercy chargé de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ».
Cette mesure s’appliquerait à « toutes les banques françaises, selon une note conjointe de la direction générale des Finances publiques (DGFIP), du ministère de l’Économie et de la ANSSI en coordination avec la BCE ».
Les retraits de plus de 300 euros entraîneraient, eux, « une convocation au commissariat pour justifier l’origine des fonds »,
voire un contrôle fiscal pour les « clients considérés avec un risque élevé ».
La vidéo cite donc les autorités compétentes, comme Tracfin, le service de renseignement bancaire de Bercy, ou la Banque centrale européenne (BCE), mais aussi des médias qui auraient évoqué cette actualité, comme France info et BFM. Plusieurs montages relayés sur TikTok racontent ainsi la même chose. « Retirer plus de 200 € en cash pourrait te faire tomber sous surveillance »,
prévient ce compte (nouvelle fenêtre), tandis que celui-là (nouvelle fenêtre) parle d’une « nouvelle règle explosive sur l’argent liquide en France ».
Des comptes générés par IA ?
Si leur contenu diffère, ces séquences de plus d’une minute reprennent toutes la supposée entrée en vigueur de ce contrôle bancaire, dès 200 euros de retrait. Parfois, la date varie dans certaines vidéos, qui annoncent (nouvelle fenêtre) la mise en place de la mesure pour le 13 novembre. En remontant aux origines de la rumeur, on la retrouve en ligne dès le 28 juillet, publiée par le compte (nouvelle fenêtre) « Actu France ».
Mais aussi sur Facebook, le 31 juillet sur le compte (nouvelle fenêtre) « Actu en Bref » : « Retirer du cash devient plus compliqué ? Nouvelle règle en France ».
Selon l’analyse de ces contenus par l’outil Reality Defender, au moins deux vidéos sont générées par intelligence artificielle : celle reprenant la date du 13 novembre et celle-ci (nouvelle fenêtre), publiée par « Actu choc ». Sous prétexte de diffuser des contenus d’actualité, la majorité de ces profils relayent surtout des vidéos générées par IA.
Ces formats semblent être fabriqués de toutes pièces et ce qu’ils racontent l’est tout autant. D’abord, cette information n’est reprise ni par France info (nouvelle fenêtre), ni par BFM, contrairement à ce qui est dit. Le site officiel d’information et de démarches administratives ne mentionne rien à ce sujet (nouvelle fenêtre) non plus. Il y est simplement indiqué que tout le monde peut « retirer de l’argent liquide dans un distributeur automatique, au guichet d’une agence bancaire ou, sous conditions, chez un commerçant ».
Nous avons contacté les différentes autorités françaises et européennes, citées dans ces contenus. Les services de Tracfin démentent l’information, tandis que Bercy et la Banque centrale européenne (BCE) affirment n’avoir « pas produit de note »
sur le sujet, ni « eu connaissance d’une telle note conjointe »
. L’agence européenne précise qu’elle « n’envisage aucune mesure obligeant les banques à transférer les coordonnées des personnes retirant plus de 200 euros en espèces ».
Enfin, nous avons sollicité la Fédération bancaire française, qui représente l’ensemble des banques installées en France. Elle confirme n’avoir « jamais entendu parler d’une telle mesure et tient à mettre en garde contre les fausses informations circulant notamment sur les réseaux sociaux ».
En réalité, vous n’avez pas besoin de justifier un retrait d’espèce au distributeur. Certaines banques, par exemple le Crédit Agricole (nouvelle fenêtre), recommandent de prévenir quarante-huit heures à l’avance si vous retirez plus de 1.000 euros pour des raisons logistiques. En revanche, si vous retirez 10.000 euros sur un mois calendaire, cela donne lieu à ce qu’on appelle des communications systématiques d’informations (nouvelle fenêtre) (COSI) auprès de Tracfin, indépendamment de toute notion de soupçon. Ces transmissions d’informations viennent « alimenter la base de données du Service et permettent d’enrichir les investigations en cours », explique l’organisme de lutte contre le blanchiment d’argent.
Un mouvement de désinformation plus large
La rumeur est donc infondée. Elle s’inscrit dans un mouvement de désinformation plus large qui prend l’argent comme support pour agiter les peurs. Au printemps, par exemple, des comptes TikTok affirmaient ainsi que les retraits de 200 euros nécessiteraient bientôt un justificatif. « Vous étiez au courant qu’à partir du 1er juillet, on ne pourra plus retirer 200 € au distributeur d’un seul coup »,
racontait alors un influenceur à ses près de 30.000 abonnés sur TikTok (nouvelle fenêtre). Cela ne s’est jamais produit et, malgré les démentis et le travail de nos confrères de l’AFP Factuel (nouvelle fenêtre), la vidéo est encore en ligne. Dans la même veine, une autre rumeur avait circulé au même moment pour faire croire à un signalement aux impôts de tout paiement supérieur à 1.000 euros.
Si la désinformation autour de l’argent progresse aujourd’hui, c’est essentiellement dû à trois facteurs, souligne Thomas Huchon, journaliste spécialiste du complotisme : « La défiance générale envers les institutions, la diffusion de fausses informations sur des arnaques potentielles, et enfin la peur ».
De manière générale, l’argent nourrit de nombreux fantasmes. Et cela ne date pas d’aujourd’hui : l’argent et les banques sont au cœur de théories complotistes, puisque considérés comme les symboles d’un système qui serait défaillant. Avec les réseaux sociaux, ces fantasmes trouvent une caisse de résonance assurée.
Pour Rudy Reichstadt, directeur du site Conspiracy Watch, la présence de dates ou de montants précis permet d’ailleurs d’ancrer la rumeur dans le réel. Et ainsi de « crédibiliser le récit ».
« Il faut rendre les choses vraisemblables. C’est comme ça que la propagande et la désinformation fonctionnent. Donner des éléments précis, comme des dates, participe de ça ».
Le politologue voit surtout dans ce type de contenus qui émergent « une volonté de tromper, d’activer une sorte de panique morale »
dans la société.
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